
Un ouvrage féministe à mettre en toutes les mains !
Il est compliqué de résumer un ouvrage aussi puissant et mettant en avant autant de concepts d’un féminisme décolonial. Voici donc la chronique des passages qui sont, à mon sens, les plus marquants, bien qu’ils soient tous d’une importance capitale.
Françoise Vergès dénonce tout d’abord le fait que le travail de soin et de nettoyage est considéré comme un travail « de femmes » et gratuit depuis des siècles. Elle ajoute le fait que le monde dans lequel nous circulons est plus particulièrement nettoyé par des femmes racisées et surexploitées et que ce travail indispensable au fonctionnement de notre société est invisibilisé. Elle cite l’anthropologue David Graeber qui propose de définir ainsi le travail du « care » : « le travail dont l’objectif est de maintenir ou augmenter la liberté d’une autre personne ». Or « plus votre travail sert à aider les autres, moins vous êtes payés pour le faire ». Elle questionne ensuite le « féminisme blanc » et la façon dont il est devenu un des piliers de plusieurs idéologies qui s’opposent : l’idéologie libérale, l’idéologie nationaliste-xénophobe, l’idéologie d’extrême-droite.
Elle nous incite à analyser la façon dont l’esclavage, le colonialisme et l’impérialisme agissent sur la division entre femmes et hommes (une division qui précède l’esclavage) et sur la manière dont l’Europe impose sa conception de la division femmes/hommes aux peuples qu’elle colonise. Si le féminisme fait l’impasse sur cette analyse, Françoise Vergès nous met en garde, il s’agit alors d’un féminisme raciste.
Penser un féminisme de politique décoloniale permet de combattre toutes les formes d’oppression : la justice pour les femmes signifie la justice pour tous.
En effet, elle nous rappelle par exemple que, si les femmes françaises ont obtenu le droit de vote en 1944, ce droit a été durement entravé dans les départements dits d’outre-mer jusqu’aux années 1980.
Elle nous invite à nous rendre compte du fait que de nouvelles formes d’inégalités entre les femmes elles-mêmes se sont ajoutées à celles du genre.
D’un côté les femmes bénéficiant d’une carrière intéressante et bien rémunérée, pouvant concilier le modèle masculin de réussite professionnelle avec la vie de famille et les contraintes domestiques et de l’autre, celles qui connaissent la précarité de l’emploi, le temps partiel contraint, les bas salaires et qui ne peuvent pas se faire aider dans la vie domestique.
Un ouvrage nécessaire à l’ouverture des consciences !